L’Intervalle : objets, discours, pratiques (II) : séminaire CEEI-THALIM 2023-2024

Organisateurs : Hélène Campaignolle-Catel, Marianne Simon-Oikawa, Florence Dumora (Université Paris Cité)

Qu’il s’agisse d’inscriptions graphiques, de motifs iconiques ou de signes d’écriture, les figures disposées sur une surface sont généralement séparées par des espaces perçus comme vides, notre regard se portant plus naturellement vers les figures ou les signes eux-mêmes.

Ces zones séparatrices, dans lesquelles rien n’est représenté ni écrit et qui occupent dans certains cas de larges parties du support, ont été approchées, selon des perspectives très différentes, par des auteurs tels que Meyer Shapiro, Louis Marin, Jacques Derrida, Anne-Marie Christin, ou Georges Didi-Huberman. Derrida par exemple utilise la notion d’intervalle comme terme englobant dans son approche grammatologique de l’écriture : « l’espace (pause blanc ponctuation intervalle en général) qui constitue l’origine de la signification », écrit-il. Anne-Marie Christin rappelle de son côté que, si en Occident les zones du support dénuées de figures sont associées à l’absence et au manque, en Extrême-Orient elles sont au contraire conçues de manière positive :

    • « 
    • À l’origine de l’écriture chinoise comme à celle du paysage peint, l’expérience fondatrice n’est pas celle de la trace mais du « vide » – c’est-à-dire de l’intervalle – grâce auquel toute communication entre une surface donnée et le monde qui la transcende est susceptible de s’ouvrir . »

A la lumière de ces travaux, et dans le prolongement du colloque Espaces du blanc : concepts et pratiques (2021), le séminaire "L’intervalle" se propose d’ouvrir l’espace de la réflexion en abordant l’intervalle de façon plus systématique. En se gardant d’un double écueil, ignorer ou minorer tout rôle productif de ces espaces intermédiaires d’une part, ou leur assigner une valeur unique ou restrictive d’autre part, les interventions s’intéresseront aux fonctions plurielles que remplissent ces « entre-deux » dans des domaines culturels divers et selon des approches disciplinaires complémentaires.

Responsables  :
Hélène Campaignolle, Chercheuse au CNRS. Présidente du Centre d’étude de l’écriture et de l’image.
Florence Dumora, Maître de conférences habilitée à diriger des recherches à l’Université Paris Cité. Membre du Centre d’étude de l’écriture et de l’image.
Marianne Simon-Oikawa, Professeure à l’Université Paris Cité. Membre du Centre d’étude de l’écriture et de l’image.

Séances du séminaire

Séance(s) passée(s)

  • Intervalles du livre : Luca Trissino, « Joints rythmiques et césures coalescentes : l’intervalle dans les plus anciens manuscrits enluminés de la “Comédie” », et Elisa Tonani, « Intervalles blancs dans les structures narratives des romans italiens du XIXe siècle jusqu’à nos jours » (mercredi 15 mai 2024, 14h)
  • Elisa Barbessi, « L’intervalle musical : représentation, conscientisation, justesse d’intonation », et Violaine Anger, « Spatium, intervallum, diastemata : le vocabulaire de l’écriture musicale sur ligne », (mercredi 3 avril 2024, 14h)
  • Intervalle, inscription, armoirie

    Le séminaire CEEI-THALIM 2023-2024 “Intervalles” continuera le mercredi 20 mars 2024 avec deux communications.

    Nous accueillerons François Jacquesson pour une conférence portant sur “Intervalle et inscription. Les représentations figurées de l’inscription sur la croix du Christ” puis Frédéric Cousinié présentera une communication intitulée “Vers l’intervalle. De l’adhésion à la suspension  : l’armoirie baroque à Rome”.

    La séance se déroulera en présentiel à l’INHA, en salle Vasari à partir de 14h . Entrée libre dans la limite des places disponibles

    Adresse : Institut National d’Histoire de l’Art, 2 rue Vivienne, 75002 Paris.

    Modération : Florence Dumora (Université Paris 7 – Paris Diderot)

    Pour en savoir plus :

    Programme

    François Jacquesson, « Intervalle et inscription. Les représentations figurées de l’inscription sur la croix du Christ »

    Présentation

    De très nombreux dessins, gravures, peintures représentent cette scène clé de la dramaturgie chrétienne  : Jésus crucifié. La scène est si commune qu’on ne remarque guère la petite pancarte souvent accrochée en haut de la croix, encore moins l’inscription portée sur la pancarte – qui varie selon les périodes et les régions.

    Or, ces quelques lettres, parfois de plus longues sentences, sont inscrites sur la croix, sur la pancarte, ou sur un support collé ou cloué sur la pancarte, souvent sous forme de feuille de papier ou autrement. Chacun sait que le papier est inconnu en Occident avant le XIIIe siècle, et le ton ou le style de «  l’accrochage  » varie presque autant que les formes de l’inscription.

    Les dessinateurs ou les peintres n’ont pas voulu «  écrire directement  » sur le bois de la croix. Se déploie alors une sorte d’épopée en miniature qui met en jeu les supports successifs autant que fantaisistes  : combien de couches ou d’intervalles entre l’écrit et son support ultime  ?

    Bio-bibliographie

    Spécialiste de morphosyntaxe et de plusieurs langues tibéto-birmanes du Nord-est de l’Inde, l’auteur a publié aussi plusieurs ouvrages de linguistique générale, et dirigé des volumes concernant les rapports entre textes et images. Il est le rédacteur du blog Caramel.

    Frédéric Cousinié, « Vers l’intervalle. De l’adhésion à la suspension  : l’armoirie baroque à Rome »

    Giovanni Rinaldi (Jean Regnaud ou Jean de Champaigne, d’après G.L. Bernini), Armoiries du Prince Camillo Pamphily entre les allégories de la Renommée, stucs, ca. 1670, Rome S. Andrea del Quirinale, revers de la façade (cliché auteur)

    Présentation

    Le travail présenté s’inscrit dans le cadre d’une entreprise plus vaste portant sur une « poétique » des ornements de l’héraldique monumentale baroque. L’un des caractéristiques de la production romaine du XVIIe siècle est la tendance à l’instabilité disphorique, au détachement, voire à la suspension de l’écu par rapport à son support. Alors que la critique usuelle de l’ornement exige son adhésion à l’architecture, l’armoirie conserve, pour des raisons liées à son statut et à son histoire, une relation nécessairement exogène à ce qui le supporte, signifiée par un intervalle spatial plus ou moins marqué. Plus radicalement, certains dispositifs, emblématiques de l’esthétique « baroque », suggèrent une forme d’élévation, d’ascension ou de lévitation de l’armoirie détachée de tout support. Nous en explorerons les fondements rhétoriques et les conséquences pour la perception et la compréhension de ces objets par leurs spectateurs.

    Bio-bibliographie

    Frédéric Cousinié est professeur d’histoire et théorie de l’art moderne à l’Université de Rouen Normandie. Il est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages consacrés à l’art du XVIIe siècle entre France et Italie dont, en dernier lieu : GLORIAE. Figurabilité du divin, esthétique de la lumière et dématérialisation de l’œuvre d’art à l’âge Baroque, Rennes, PUR, 2018 ; paysage du paysage. Nicolas Poussin, Claude Le Lorrain, Sébastien Bourdon, Dijon, Presses du Réel, 2022 ; Tensité des images. Surgissement, Révélation, Extase, Apothéose dans la France du XVIIe siècle, Paris, Mare & Martin, 2023  ; L’espace imaginal  : méditer dans l’image au XVIIe siècle, Paris, 1:1, 2024.

    En savoir plus : https://ceei.hypotheses.org/17674

    Institut National d’Histoire de l’Art,
    2 rue Vivienne, 75002 Paris.
    Salle Vasari

  • “Aby Warburg, Nymph as interval”/”Aby Warburg : la Nymphe comme intervalle”
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