« La littérature : nos vies en actes ! »

Organisateurs : Guillaume Bridet, Xavier Garnier, Alain Schaffner

Nos sociétés et l’humanité entière sont entrées dans le temps d’une urgence écologique dont les pouvoirs politiques ne semblent pas avoir pris la mesure et dont les effets bouleversent et vont continuer de profondément bouleverser nos vies dans les années et décennies à venir. Qu’attend-on de la littérature face à une situation qui nous requiert de manière de plus en plus pressante et exclusive ? Et qu’attend-on de sa lecture et de son enseignement ? Dans une époque d’excès et de saccage où il est de plus en plus difficile de mener sa vie en cohérence avec soi-même et d’adhérer à ses propres actes, de nouvelles exigences lui sont adressées qui constituent autant d’issues possibles pour un futur à construire. Un nouveau régime littéraire s’esquisse, qui réclame une littérature chevillée aux expériences que nous vivons et inscrite dans des contextes intimes et collectifs ; une littérature qui met en cohérence l’œuvre et la vie, la pensée et la pratique ; une littérature prise au mot, qui se trouve liée à un renouvellement des formes de nos vies ; en un mot, une littérature action.
Nous faisons le pari dans ce séminaire de percevoir ces nouvelles exigences éthiques et politiques comme une porte d’entrée pour relire à nouveaux frais les corpus les plus canoniques ou pour réévaluer certaines œuvres occultées, mais aussi comme une opportunité présente de renouvellement poétique et comme une manière de donner à la littérature une nouvelle consistance.
Certaines pratiques contemporaines en témoignent, et nous les explorerons de manière privilégiée. Qu’en est-il des nouvelles écritures à plusieurs mains fondées sur des expériences de vie collective ou même des aspirations individuelles conduisant à associer changement de vie et choix d’un certain type de créativité ? Ces associations de l’écrire et du faire ont des caractéristiques propres mais elles relaient aussi des expériences plus anciennes d’ici et d’ailleurs conçues elles aussi dans ce qui apparaissait comme des situations d’urgence. Concernés au premier chef par le temps présent qui nous requiert, nous nous tournerons aussi vers le passé et vers l’ailleurs en quête d’expériences littéraires enregistrant elles aussi un bouleversement des frontières entre l’œuvre et la vie. Des phalanstères fouriéristes au Comité invisible en passant par le groupe de l’abbaye ou la société secrète Acéphale sans oublier l’Université bengalie de Visva-Bharati, les prophétismes scripturaires africains ou les samizdats de la dissidence russe, il s’agit toujours d’apporter une réponse à la fois littéraire et pratique, à des contradictions restées jusque-là sans issue.
Il s’agira moins d’envisager les différentes formes qu’a pu prendre l’engagement de la littérature au nom de telle ou telle cause, ou son implication dans un certain état du monde, que de comprendre comment, dans de rares moments d’exacerbation de l’inacceptable, l’acte littéraire se trouve associé à une exigence impérative de changement de vie. À égale distance des écrivains dans leur rôle traditionnel d’intellectuels en surplomb et de ceux qui, à l’inverse, se sont brûlés à leur écriture dans un rapport sacrificiel, nous nous intéresserons à ces écrits à l’unisson de la vie de ceux qui les produisent et qui, associés à une transformation durable des manières de vivre, anticipent sur les temps futurs.

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