Le corps est un des objets fétiches de la modernité ; son culte est devenu un lieu commun de notre culture, de masse ou d’avant-garde. Mais, sous les apparences de ce consensus, il inspire à ses zélateurs des démarches très différentes, révélatrices des options divergentes voire opposées qui divisent la création et la pensée contemporaines.
Il occupe une place centrale dans la poésie moderne, où l’on voit se dessiner une ligne de partage entre deux tendances rivales. La première dresse le corps contre l’esprit, et se place volontiers sous le signe de l’insensé et de l’im-monde, par refus de la beauté, mais aussi du monde. L’autre fait du corps un carrefour entre la matière et l’esprit, la conscience et le cosmos, le signifiant et la signification.
À l’image d’un corps déchu ou dégradé, souvent exhibée sur le devant de la scène contemporaine, Michel Collot oppose, en s’appuyant sur quelques œuvres exemplaires et sur sa propre pratique poétique, la vision d’un corps-cosmos, où l’esprit s’incarne dans une chair qui est à la fois celle du sujet, celle du monde et celle des mots.