Les Lumières comme domination et les Lumières comme critique : la contradiction dialectique de T. W. Adorno Raison et critique. Clefs de compréhension de la modernité

Comment penser aujourd’hui l’héritage des Lumières et l’héritage de l’Ecole de Francfort ? Nous pouvons contempler, du haut de notre expérience contemporaine, les résultats effectifs des politiques catastrophiques, des philosophies, des pédagogies qui se réclament des Lumières et qui ne feraient que reconduire des formes de domination, d’oppression et d’obscurantismes sous de nouvelles formes. C’est ce qui poussait Marx Horkheimer et Theodor W. Adorno à écrire une Dialektik der Aufklärung, une dialectique des Lumières ou une dialectique de la raison. Le projet de l’Ecole de Francfort serait condamné alors à une dialectique sans fin et de ce fait à un pessimisme inéluctable. Or, cette posture interprétative ne pas concorde pas avec les références que fait Adorno à la fin des années 1960 aux Lumières. Il défend le projet d’une « éducation à la majorité » comme si le projet kantien pouvait être adopté tel quel comme un modèle éducatif pour notre temps, comme si ces termes « éducation », et surtout « Lumières » étaient des termes purement positifs, ne seraient plus l’objet d’une critique, mais pourraient devenir les matériaux d’une théorie normative de la société en général, et de l’éducation en particulier. Nous nous demanderons comment Adorno peut soutenir cette double position à l’égard des Lumières qui consiste, d’une part, à rejeter la formulation kantienne comme l’expression d’une pensée de la domination, et à l’adopter, d’autre part, de façon quasiment non-critique dans ses entretiens tardifs sur l’éducation. Nous nous appuierons pour cela sur les textes tardifs de T. W. Adorno, sur les conférences données au Collège de France en 1961 et sur les entretiens radiophoniques des années 1960 portant sur l’éducation.