La lectrice ne répond plus : ces romans qu’on préférerait oublier Transmissions brisées, colloque de l’université Rennes 2, 28 et 29 septembre 2023

Intervenant : Aude Leblond

Université Rennes 2

L’époque contemporaine porte une attention renouvelée à la sensibilité et aux émotions des lecteur·ices. Hélène Merlin-Kajman rapporte dans Lire dans la gueule du loup plusieurs épisodes de transmission ratée, dans lesquelles certains textes heurtent étudiant·es ou auditeur·ices. Les polémiques actuelles sur le nouveau rôle éditorial des sensitivity readers ou la nécessité éventuelle de réécrire certains classiques ayant « mal vieilli » pointent de même vers le fait que lectrices et lecteurs font de plus en plus état de mauvaises rencontres, d’accidents de lecture – de moments où le texte choque, traumatise, finit par donner lieu à un rejet. Dès lors, notre rôle d’enseignant·e est-il de transmettre les textes qui peuvent faire mal ? Pourquoi, et comment ?
Je voudrais étudier les récits contemporains de transmissions ou de « médiations ratées » pour en interroger les effets et les enjeux. Loin de disqualifier ou d’« annuler » les textes considérés comme traumatisants ou non assimilables, en montrer la force et le danger permet d’insister sur la force performative de la littérature. Et c’est peut-être là que peuvent s’ouvrir des voies de traverse pour sortir de la sidération. Les écrivains-lecteurs et surtout les écrivaines-lectrices (je puiserai des exemples chez Annie Ernaux, Agnès Desarthe, Linda Lê, Régine Detambel, Patrick Chamoiseau, Alice Zeniter) légitiment leur propre tentative d’écriture en la fondant sur une forme de réparation. Les textes traumatisants appellent d’autres écritures, explicitement éthiques, qui ne laisseront plus se produire les accidents de lecture.

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