Hapticité. Perspectives interdisciplinaires. Esthétique philosophique, design, architecture Journée d’étude

Organisateur : Mildred Galland-Szymkowiak

Programme : Architecture et philosophie

ENS-PSL, salle Théodule Ribo
29 rue d’Ulm, 75005, PARIS

Soutenu par : ENS-PSL, EUR Translitterae, UMR Thalim

Dans le cadre du séminaire « Kunst » (ENS-PSL / University of Cambridge)

Si la sculpture a traditionnellement en esthétique joué le rôle d’un point de départ pour une réflexion sur le sens du toucher et, plus largement, sur le rôle des valeurs tactiles dans la perception des œuvres d’art, la notion d’hapticité joue aujourd’hui, bien plus largement, un rôle dans de nombreux domaines concernés par la relation du sujet percevant à son environnement et/ou à certains types d’objets. Sans en faire un recensement exhaustif, on peut évoquer quelques unes de ces perspectives - dans lequelles sans doute l’unité du terme “haptique” dissimule des acceptions en réalité différenciées.

Dans l’élaboration des jeux vidéo, on développe des “interfaces haptiques” qui par des sensations de pression ou de résistance du volant ou joystick contribuent à l’impression de conduire un véhicule réel. Dans le domaine des expériences en réalité virtuelle (VR) se pose la question de la complémentarité des sensations de toucher par rapport aux sensations visuelles et kinesthésiques qui sont d’emblée plus déterminantes : l’activité du toucher se mêle ici intimement à celle de l’imagination et épaissit notre expérience ludique. On cherche, dans la chirurgie assistée par des robots, à améliorer les “sensations” de pression transmises par la machine au chirurgien. En architecture, chez des théoriciens qui revalorisent d’un même élan le contact avec les matières, l’expérience sensible et affective des édifices, et la réflexion sur la manière dont le sujet est in-formé en retour par les édifices qu’il parcourt, la notion du toucher ne suffit pas à décrire les expériences et à caractériser les questions et les enjeux qui se dessinent. Il en va de même dans la connaissance intime des matériaux mise en oeuvre dans les métiers des spécialistes du textile, de la mode, du design ; on peut penser aux compétences et aux savoirs tactiles spécifiques développés par les stylistes, les modélistes, les couturiers, les maroquiniers, les fourreurs-modélistes, les menuisiers-ébénistes, les tapissiers, les céramistes.

C’est qu’il faut pouvoir, dans ces domaines, penser non seulement l’atteinte de la peau par ce qui la touche mais aussi l’exploration active, globale, de la matière et des formes par la main qui se déplace, tâte, tâtonne, éprouve, reconnaît, se laisse surprendre. Il faut également pouvoir penser non seulement le contact tactile avec tel objet mais aussi la manière dont nous apprécions, évaluons, configurons par nos mouvements et sensations de mouvement notre environnement (naturel ou construit) par des possibilités d’atteinte mutuelle : là encore le toucher, local, se dépasse vers l’action de la main et une intégration plus globale des différents sens. C’est en première approche à ces différentes attentes que le concept d’hapticité, dans sa différence d’avec la notion du toucher, paraît répondre.

Mais si l’haptique dit la main qui explore plutôt que le se laisser toucher, les deux ne sont pas si facilement dissociables et opposables. Dans l’exploration même, nous nous laissons toucher, le tissu ou le cuir que je tâte m’impose sa douceur ou sa rugosité, son élasticité ou sa rigidité, ces qualités tactiles que justement on appelle “main” du tissu. L’hapticité est-elle à la fois toucher kinesthésique et fait d’être touchable et touché ? Et dans ce toucher qui se dépasse et s’étend au-delà de soi, la possibilité d’une alliance perceptive avec les autres sens se dessine-t-elle ? Enfin, si l’haptique est le toucher en mouvement et se saisissant soi-même dans ce mouvement autant qu’il saisit son objet, hapticité et proprioception entretiennent une relation étroite, particulièrement sensible dans l’expérience de l’architecture ou des objets du design.

Nous souhaitons tout particulièrement caractériser les apports propres de la notion d’hapticité par rapport au tactile et au toucher ; nous demander si l’haptique est extérieur à l’optique ou s’il en est une province (l’indice, dans le visuel lui-même, de valeurs tactiles), peut-être illusoirement autonomisée ; nous interroger sur la relation complexe entre passivité et activité dans le toucher ; mettre en relation philosophie, histoire de l’art, et savoirs pratiques des métiers pour comprendre l’articulation du toucher, du tactile, de l’haptique ; enquêter sur la manière dont la notion d’hapticité peut enrichir l’analyse des oeuvres d’art et des objets techniques (et inversement).

Nos travaux pourront comporter un questionnement autant sur la diversité des significations données à cette notion dans ses différents domaines de pertinence, que sur une éventuelle convergence de ces significations. Nous nous limiterons pour cette journée à la place de l’hapticité dans les réflexions théoriques et pratiques concernant la perception sensible et les arts, ces derniers étant pris dans une acception large incluant les arts décoratifs. L’enquête que nous souhaitons lancer avec ce workshop sera nécessairement interdisciplinaire, et elle fera intervenir de concert la théorie et la pratique.

En français et en anglais, avec une retransmission en visioconférence.

Organisation :

Contact : Thaïs Ajzenberg (ENS-PSL) thais.ajzenberg chez ens.psl.eu

Mildred Galland-Szymkowiak (CNRS/ENS-PSL) mildred.galland chez cnrs.fr

PROGRAMME

9h45 : Introduction à la journée d’étude

Modération : Arnaud Dubois (Cnam - ENSA Limoges)

10h-11h : “Projective, Ampliative and Haptic Imagining”

Jason Gaiger (Oxford University)

11h15-12h15 : “Suivre le matériau : manières pour l’architecte de rester artisan”

Victor Fraigneau (ENSA Normandie)

12h15- 13h45 : pause déjeuner

Modération : Mildred Galland-Szymkowiak (ENS-CNRS)

13h45-14h45 : “Couleur et hapticité : le conflit entre les conceptions « tactile-polychrome » et « optique-coloriste » chez Aloïs Riegl”

Arnaud Dubois (Cnam - ENSA Limoges)

14h50-15h50 : “Pour une esthétique haptologique”

Herman Parret (Université de Leuven)

15h50-16h15 : pause

Modération : Isabelle Kalinowski (ENS-CNRS)

16h15-17h15 : “Vision rapprochée, espace haptique, sens des couleurs : les voies de l’haptique chez Deleuze”

Carla Da Costa (Doctorante - Université de Lille)

17h20-18h20 : “Toucher ou voir ? L’expérience sensorielle de la miniature”
Francis Haselden (Doctorant - Université de Rennes)

Contact : thais.ajzenberg chez ens.psl.eu

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