« Colloque de Cerisy : “Régis Jauffret : les pouvoirs de la fiction” » Colloque international

Organisateurs : Christelle Reggiani, Christophe Reig

CENTRE CULTUREL INTERNATIONAL DE CERISY Association des Amis de Pontigny-Cerisy
Le Château - CERISY-LA-SALLE

En présence de Régis JAUFFRET

ARGUMENT :

Écrivain du malaise et de la cruauté, mais aussi de l’humour noir et de la lucidité sur l’âme humaine, Régis Jauffret construit depuis une quarantaine d’années une œuvre aussi abondante qu’éclectique — à ce jour une trentaine de récits et de recueils de nouvelles, qui ont reçu de nombreux prix littéraires.

Cet ensemble qui télescope les genres, désormais reconnu et apprécié par un public élargi tant en France qu’à l’étranger, a été salué par la critique. Les récits de cet observateur féroce, à l’affût d’une humanité broyée par les "machines sociales", rencontrent parfois un rai de lumière poétique quand ils ne font pas feu de tout bois, s’appuyant sur des faits divers contemporains. Dans tous les cas, ils manifestent une remarquable et inlassable inventivité formelle et stylistique, encore très peu explorée. Cette prolixité, la foi en les pouvoirs de l’imagination, la maîtrise de l’écriture et des jeux possibles sur les conventions romanesques font indéniablement de Jauffret un maître de la fiction.

Ce colloque — le premier de cette ampleur à lui être consacré — permettra de reconsidérer l’ensemble de cet itinéraire réflexif d’écrivain, d’en explorer les détours, les inflexions et les virages.

MOTS-CLÉS :

Fiction, Jauffret (Régis), Langue littéraire, Littérature française contemporaine, Microfiction, Nouvelle, Poétique, Roman contemporain, Romanesque, Stylistique, Théorie littéraire

CALENDRIER PROVISOIRE (04/03/2024) :

Samedi 10 août
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants, ainsi que du Foyer de création et d’échanges

Dimanche 11 août
Matin
Gaspard TURIN : Microfiction et micropolitique
Marinko KOSCEC : La macrofiction de Régis Jauffret

Après-midi
Sjef HOUPPERMANS : Microfictions 2022, "inventaire d’un monde terrible et fabuleux"
Ilias YOCARIS : "Il n’aurait jamais dû me demander où était la Bastille" : éloge et blâme paradoxal dans Microfictions

Soirée
Lectures de son œuvre, par Régis JAUFFRET

Lundi 12 août
Matin
Frédéric MARTIN-ACHARD : Mutations de l’ironie chez Régis Jauffret
Bérengère MORICHEAU-AIRAUD : La porosité énonciative dans l’écriture de Régis Jauffret

Après-midi
Timo OBERGÖKER : Écrire sur une énigme : Papa de Régis Jauffret
Teresa Manuela LUSSONE : Grande histoire et microfictions. Réflexions autour de 1889

Soirée
Écoute de la série radiophonique Les Nouveaux Maîtres du mystère (écrite par Régis Jauffret), suivie d’un échange avec l’écrivain

Mardi 13 août
Matin
Marie-Albane WATINE : Surprise et déprogrammation du sens dans Microfictions 2022
Anne ROCHE : Rue Marius Jauffret, Marseille huitième

Après-midi
DÉTENTE

Mercredi 14 août
Matin
Anne GARRIC : Quatre relations incestueuses. Du vice discursif : outrance adoucissante et déflagration de l’euphémisme dans "Au bois des Anges", "Capuche", "Dans les bras d’un satyre" et "Inceste et hamburgers" (Microfictions)
Bahia DALENS & Alice LAUMIER : Régis Jauffret : une littérature du trouble

Après-midi
Stéphane CHAUDIER & Grégoire TALLON : La scène du crime dans les Microfictions
Vincent BERTHELIER & Amina DAMERDJI : Sévère, Claustria et La Ballade de Rikers Island : le tribunal littéraire de Régis Jauffret face à la loi

Jeudi 15 août
Matin
Marinella TERMITE : Dans le réseau du non-humain : les pièges de Régis Jauffret
Mervi HELKKULA : Éléments du réel et traits fictionnels dans l’œuvre de Régis Jauffret

Après-midi
Sandrine VAUDREY-LUIGI : Jauffret, une langue âpre et exigeante
Christophe REIG : Régis Jauffret : l’ethos de l’écrivain

Soirée
Projection du film Loup-garou de Stéphane Lévy (où joue Régis Jauffret), suivie d’un échange avec l’écrivain

Vendredi 16 août
Matin
Conclusions, rapports d’étonnement des doctorants et jeunes chercheurs

Après-midi
DÉPARTS

RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Mervi HELKKULA : Éléments du réel et traits fictionnels dans l’œuvre de Régis Jauffret
Le romancier Régis Jauffret a été condamné, en 2016, pour diffamation à l’encontre de Dominique Strauss-Kahn dans son roman La Ballade de Rikers Island (2014). Le viol raconté dans le roman n’a pas pu être prouvé, ce qui rend, selon le tribunal américain, le contenu du roman non conforme à la réalité et, par conséquent, condamnable. Ce qui est cependant plus intriguant du point de vue de la "réalité augmentée", évoquée par l’auteur lui-même, est l’association d’un récit de faits réels à l’usage de modes de narration caractéristiques d’œuvres de fiction. Dans les romans de Jauffret, le narrateur imagine les réactions, les réflexions et les sentiments des personnages, dont les modèles sont dans plusieurs cas des personnes réelles. C’est cet usage "transgressif" des procédés narratifs et des formes du discours rapporté qui sera l’objet d’étude dans cette communication.

Mervi Helkkula est Professeure émérite de langue française à l’université de Helsinki. En plus de l’œuvre de Marcel Proust, elle a publié des études sur la littérature française contemporaine, entre autres Delerm, Echenoz, Kerangal et Jauffret.
Publication
"La famille infernale. Sur la violence langagière dans Asiles de fous de Régis Jauffret", Christophe Reig (éd.), Régis Jauffret. Éclats de la fiction, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2017, 43-54.

Sjef HOUPPERMANS : Microfictions 2022, "inventaire d’un monde terrible et fabuleux"
Cette conférence sera centrée sur une sélection des Microfictions 2022 ; "le monde est une fiction terrible et fabuleuse" comme le dit la quatrième de couverture, définition à scruter d’un regard (psych)analytique me semble-t-il. Le contenu de ces Microfictions, tout en appartenant globalement à la rubrique "faits divers", peint souvent des situations extrêmes et hyperboliques où l’exagération même n’empêche pas une bonne dose d’ironie mais touche également au fantastique coloré d’inquiétante étrangeté. Pour ce qui regarde la forme, le récit court connaît une riche tradition que Jauffret reprend tout en appliquant diverses variantes. La richesse stylistique n’est pas seulement ornementale mais appuie l’âpreté des épisodes.

Sjef Houppermans est professeur émérite en littérature française moderne et contemporaine à l’université de Leyde (Pays-Bas). Ses recherches se servent des théories psychanalytiques et stylistiques. Livres publiés entre autres sur Raymond Roussel, Marcel Proust, Samuel Beckett, Alain Robbe-Grillet, Claude Ollier.
Dernières publications
Marcel Proust déconstructiviste, Classiques Garnier, 2024.
Samuel Beckett Today/Aujourd’hui, numéro 35/2 "En attendant Godot et L’Innommable 70 ans après", Leiden, Brill, 2023.

Marinko KOSCEC : La macrofiction de Régis Jauffret
Plus que la mécanique fine des Microfictions, nous nous proposons d’étudier leurs substrats et liens avec le contexte, autrement dit les syndromes qu’elles reflètent : le désespoir et le désemparement généralisés qui se manifestent par des dérapages individuels, la rage sans objet déterminé, la haine omniprésente de l’autre, la violence ou le désir plus ou moins refoulés d’en finir avec tout ; l’homme dépossédé de son essence et déboussolé face à l’entropie au seuil d’un devenir transhumaniste. En nous appuyant sur quelques réflexions évolutionnistes (Anders, Ellul, Harari) nous abordons les Microfictions comme des figures fractales d’une civilisation post-humaniste, marquée par la disparition de la société, la dégénérescence de toute intersubjectivité, ainsi que le décalage croissant entre l’environnement que les humains produisent et leur capacité de l’habiter. Nous lisons les Microfictions comme une représentation épique de l’obsolescence de l’homme, qui persiste pourtant à vivre son apocalypse douce, atomisée.

Marinko Koscec est écrivain, auteur notamment de 8 romans, dont certains sont traduits en anglais et en néérlandais. Professeur associé de la littérature française à la Faculté de philosophie et lettres de Zagreb, il est spécialiste de la prose contemporaine en français, auteur de deux articles sur Régis Jauffret. En travaillant dans l’édition, il a dirigé la traduction croate de trois œuvres de Jauffret.

Alice LAUMIER
Alice Laumier est docteure en Littérature française et poursuit actuellement un postdoctorat à l’université de Toronto. Ses travaux portent principalement sur la littérature contemporaine française, les rapports entre littérature et sciences humaines et les trauma studies. Elle est l’auteure de L’Après-coup. Temporalité de l’événement et approches critiques du trauma (2024) et a co-dirigé l’ouvrage collectif Explorations anthropologiques de la littérature contemporaine (2021).

Teresa Manuela LUSSONE : Grande histoire et microfictions. Réflexions autour de 1889
"Elle portait en elle le XXe siècle", a affirmé Régis Jauffret à propos de son dernier livre, car "si Hitler n’avait pas existé, le XXe siècle n’aurait pas été pareil". Dans ce roman, paru en Italie en 2023 sous le titre 1889 (Edizioni Clichy), puis, dans une version remaniée, en France en janvier 2024 sous le titre Dans le ventre de Klara (Éditions Récamier), Jauffret reconstruit la grossesse de Klara Hitler à partir des quelques bribes de renseignements dont on dispose. À travers le récit à la première personne de cette femme victime de son mari, l’auteur représente le milieu abject dans lequel est né celui qui deviendra le Führer, et, derrière les micro-événements qui scandent la vie du couple Hitler, c’est la grande Histoire qui se fait jour. L’un des aspects qui sera examiné concerne justement la mise en scène de l’Histoire, qui occupe, par rapport à l’édition italienne, une place majeure dans l’édition française, où les références à la Shoah s’avèrent beaucoup plus explicites. Puis seront analysés les enjeux stylistiques et la fonction que revêt la représentation de l’Histoire.

Teresa Manuela Lussone est enseignante-chercheuse à l’université de Bari (Italie). Spécialiste des œuvres posthumes de Némirovsky, elle a notamment été en charge, avec Olivier Philipponnat, de la nouvelle édition de Suite française (Denoël, 2020) et des Feux de l’automne (Albin Michel, 2014). Avec L. Frausin Guarino elle a traduit Tempête en juin, première partie de Suite française, pour Adelphi (2022). Elle a également travaillé sur Sophie Cottin, sur Sartre, sur la littérature française contemporaine et sur la représentation de l’histoire en littérature.

Anne ROCHE : Rue Marius Jauffret, Marseille huitième
Peut-on parler d’un "Marseille de Régis Jauffret" comme on parle du Paris de Balzac ou du Berlin d’Alfred Döblin ? A priori rien de comparable, même si l’on trouve dans l’œuvre de Jauffret un certain nombre de notations qui se réfèrent à sa ville natale, et ce d’autant plus que la rue où il a passé son enfance et son adolescence porte le nom d’un aïeul. Le relevé de certaines de ces notations fait néanmoins apparaître tout autre chose qu’une géographie réaliste de la ville, dans la mesure où, à plusieurs reprises, elles plongent dans un passé qui excède les limites chronologiques de la vie de l’auteur, mais aussi dans un réel problématique, où se déploient des hypothèses plus ou moins improbables. Dès lors, la ville réelle se révèle rongée par la fiction.

Publication
"Prêter une voix", in Christophe Reig (dir.), Régis Jauffret. Éclats de la fiction, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2017, p.33-41.
Bibliographie complète : https://www.m-e-l.fr/anne-roche,ec,219

Marinella TERMITE : Dans le réseau du non-humain : les pièges de Régis Jauffret
L’imaginaire de Régis Jauffret interroge sans cesse les liaisons humaines pour explorer les ressources et les limites des détours du sujet. En jouant avec l’anonymat et la multiplication des identités, les nombreuses postures des personnages agissent en fonction de la distinction et de l’assimilation des fragilités romanesques dont les individus sont porteurs. Dans ce cadre, le recours aux règnes naturels apparaîtrait comme un filtre ultérieur pour saisir les effets insolites de l’humain. Comment le réseau du non-humain (animal et végétal) contribue-t-il à restituer la portée scripturale des anomalies relationnelles ? Cette étude vise ainsi à dévoiler les pièges d’un vivant compromis par la cruauté problématique de l’inattendu.

Marinella Termite est maître de conférences de littérature française à l’université de Bari, où elle fait partie du Groupe de Recherche sur l’Extrême Contemporain (GREC) et co-dirige la collection "Ultracontemporanea" (Quodlibet). Elle a, entre autres, publié, avec les préfaces de Marie Thérèse Jacquet, L’écriture à la deuxième personne. La voix ataraxique de J.-M. Laclavetine (Peter Lang, 2002), Vers la dernière ligne (B.A. Graphis, "Marges critiques/Margini critici", 2006), Le sentiment végétal. Feuillages d’extrême contemporain (Quodlibet, "Ultracontemporanea", 2014) et coordonné, pour "Ultracontemporanea", Mots de faune (2020) ainsi que Le prisme des anomalies (avec Laurent Demanze, 2023).
Sur Régis Jauffret :
"Variations Niobée : sources et ressources du "tu" chez Anne Godard et Régis Jauffret", in Revue Trans-, été 2009.
"Une affaire de sous-sol : l’écriture caméléon dans Claustria de Régis Jauffret", in Intercâmbio, 2e série, Vol. 11, 2018, p. 88-99.

BIBLIOGRAPHIE :

• BROUSSEAU, Simon, "Régis Jauffret, "un bonhomme de livres" : Représentations de l’écrivain dans Microfictions", dans L’Écrivain, un objet culturel, David Martens et Myriam Watthee-Delmotte (dir.), Dijon, E.U.D., 2012, p. 271-281.
• CHAUDIER, Stéphane, NEGREL Julian, "Le Stabat Mater de Régis Jauffret : quel tombeau pour quelle littérature ?", Fabula LHT, n°6, mai 2009, en ligne.
• DEMANZE, Laurent, "Immersions flaubertiennes. Flaubert au corps : démythologiser le grand écrivain selon Alexandre Postel et Régis Jauffret", Cahiers de littérature française, Biomythologies contemporaines d’auteur, Franca Bruera et Martine Boyer-Weinmann (dir.), Paris, Classiques Garnier, p. 69-81.
• DURAND, Thierry, "Essai sur Régis Jauffret : le monde comme désir et délire", Australian Journal of French Studies, vol. 46, n°1-2, 2009, p. 45-57.
• GEFEN, Alexandre, ""Je est tout le monde et n’importe qui". Les Microfictions de Régis Jauffret", Revue critique de fixxion française contemporaine, n°1, p. 62-66, en ligne.
• HUGLO, Marie-Pascale, "Le quotidien à distance : Fragments de la vie des gens de Régis Jauffret", dans Dominique Viart et Gianfranco Rubino (dir.), Écrire le présent, Paris, Armand Colin, 2013, p. 195-212.
• MORICHEAU-AIRAUD, Bérengère et NARJOUX, Cécile (dir.), La Langue de Régis Jauffret : "Pirate des mots, du langage", Dijon, E.U.D., 2023.
• REIG, Christophe (dir.), Régis Jauffret – éclats de la fiction, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2017.
• REIG, Christophe, "Viles Villes : les urbanités amputées de Régis Jauffret (Microfictions)", Formules, n°14 : "Formes urbaines de la création contemporaines", 2010, Paris, Noésis, p. 81-96.
• REIG, Christophe, "Écrire à l’ère du vide : Oster, Jauffret, Houellebecq", dans Littératures et arts du vide, Jérôme Duwa et Pierre Taminiaux (dir.), Colloque de Cerisy (2017), Paris, Hermann, 2018, p. 99-112.
• RUBINO, Gianfranco, "Un monde de folie ordinaire : Régis Jauffret", dans Écrire le fiel, Matteo Majorano (dir.), Bari, B.A. Graphis, 2010, p. 59-72.
• TERMITE, Marinella, "Variations Niobé : sources et ressources du "tu" chez Anne Godard et Régis Jauffret", Trans, n°8, 2009, en ligne.
• TURIN, Gaspard, ""Devenir escargot". L’hyperbole comme axiologie de la représentation familiale chez Marie NDiaye et Régis Jauffret", dans Le Roman contemporain de la famille, Sylviane Coyault, Christine Jérusalem & Gaspard Turin (dir.), Paris, Lettres Modernes Minard, 2015, p. 245-259.

SOUTIENS :

• Unité de recherche "Sens Texte Informatique Histoire" (STIH) | Sorbonne Université
• Centre de Recherches sur les Sociétés et Environnements en Méditerranées (CRESEM, UR 7397) | Université de Perpignan Via Domitia (UPVD)
• THALIM (UMR 7172, CNRS) | Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3

BULLETIN D’INSCRIPTION

Les inscriptions à ce colloque seront ouvertes à partir du 15 mars prochain.

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