Daniel Deshays (concepteur sonore et ingénieur du son, responsable du département
Son à l’ENSATT - École Nationale des Arts et Techniques du Théâtre) Bander le son
Faut-il panser ainsi des blessures reçues depuis tant d’années ou bien bander l’arc qui décoche des flèches sonores aussi discrètes qu’efficientes sur la surface du sensible ? Parler de bande son au théâtre c’est assurément ramener la totalité de la question sonore à son état soit disant « fixé ». Or la question sonore dépasse largement tout support de transit ; elle recouvre les questions de distribution spatiale, de réponse acoustique des dispositifs scénographique dans la qualité de leur diversité, mais aussi et plus largement la qualité des émetteurs dont font partie les voix des acteurs, sans oublier les conditions de l’écoute en salle. Cependant, parler de bande son fait apparaître l’idée d’une construction globale de la forme de l’écriture sonore assemblée sur la table de ses opérations, même si le support « bande » auquel cette idée réfère n’existe plus. S’il y a nécessité de placer le son sur une bande c’est qu’il est question d’insérer dans le vivant du spectacle des éléments, issus du réel ou non, qui doivent tendre à s’homogénéiser dans une forme unique. Celle-ci doit s’adapter à l’œuvre autant qu’à sa mise en scène, à sa scénographie, à ses costumes c’est-à-dire à l’ensemble des éléments qui, associés, forment un tout, toujours dans l’autonomie des mouvements de ses constituants, et qui s’appelle le théâtre. Au théâtre, la « bande » serait alors le lieu potentiel de la construction de la forme sonore du spectacle. La radio possèderait-elle une bande, tant le flux de son « temps réel » parvient toujours à la rendre invisible… ? Quant au cinéma, l’aspect éditorial et industriel de ce champ authentifie l’existence de ce support : à une bande image fait face une bande son. La construction synchronique du montage est le lieu même de sa confirmation. La vidéo a achevé de confirmer la symétrie de cet ancrage par la constitution d’un même temps machinique ouvert dès la capture sur un même support. S’il y a intérêt à mettre en conscience l’existence d’un son dans sa confrontation à l’image, c’est par la constitution de son autonomie, pour que cette « bande » soit une construction, qui puisse être conçue comme parallèle à l’image, une sorte de bande de Mœbius dans l’épaisseur de laquelle le cinéma puisse s’entendre davantage.
Guillaume Trivulce (étudiant en Études théâtrales, Université Paris 3-Sorbonne Nouvelle, chercheur associé à la BnF-département Arts du spectacle) Comment la notion de « bande son » est-elle apparue au théâtre ? Une réflexion à partir des archives sonores de la Comédie-Française (1950-2000)
En nous appuyant sur les fonds d’archives de la Comédie-Française et sur les entretiens que nous ont accordés plusieurs régisseurs et réalisateurs son, dont les témoignages couvrent la période 1950-2000, nous reconstituerons la genèse et l’évolution de ce terme au théâtre. Nous tenterons une approche à la fois technique et esthétique du succès de la notion.
INHA - Salle Fabri de Pereisc
2 rue Vivienne
Paris 75002