Texte et peinture dans les dramaturgies plastiques contemporaines : vers un nouveau régime de représentation ? Colloque

Organisateurs : Floriane Toussaint, Kenza Jernite

INHA, 2 rue Vivienne, Paris 2
et Maison de la recherche, Sorbonne Nouvelle – Paris 3, ’ rue des Irlandais, Paris 5

Plutôt qu’à la disparition du texte prédite par certains au moment de l’avènement d’un théâtre dit d’images – dont le spectacle de Bob Wilson Le Regard du Sourd en 1971 peut être considéré comme un événement fondateur – nous assistons depuis une vingtaine d’années à l’émergence de nouvelles formes spectaculaires qui font exister ensemble, sur des modes qui ne cessent de se réinventer, éléments plastiques et éléments textuels.
Ce premier constat a abouti, en janvier 2022, à l’organisation d’une journée d’étude [1] dont l’enjeu était de penser les formes de permanence du texte dans les dramaturgies plastiques. Nous avions alors défini comme plastiques ces dramaturgies qui prennent les arts plastiques comme modèle de création, c’est-à-dire que les metteurs en scènes pensent les différents éléments de leurs écritures scéniques – cadre, figures, organisation spatiale, mais aussi matières – comme ils penseraient les éléments d’une œuvre d’art (peinture, sculpture, installation…) [2] . Cette journée a donné lieu à une traversée d’esthétiques et de dramaturgies très diverses – celles de Vincent Macaigne, Silvia Costa, Angélica Liddell, Pippo Delbono, François Tanguy, Romeo Castellucci, Philippe Quesne ou encore Gaëlle Bourges –, traversée qui a fait émerger plusieurs questions que nous souhaiterions à présent développer.

Il semble par exemple que la question de l’expressivité prenne le pas, chez ces artistes qui mêlent les deux régimes de représentation, sur les notions de discours comme de mimèsis, leurs spectacles conjuguant par exemple la force plastique de la coulure et la puissance de la parole proférée.
On retrouve également chez les artistes étudiés lors de cette journée ce que nous pourrions appeler une esthétique du fragment, qui va de pair, le plus souvent, avec une pratique du montage, qui concerne les textes comme les images. Alors que Bertolt Brecht avait lui-même repris, pour composer ses images scéniques mais également ses fables, cette technique du montage qu’il identifiait dans la peinture de Brueghel [3], on peut se demander si une esthétique du tableau ne contaminerait pas peu à peu l’écriture, pour donner naissance à ces montages de textes. Quel est alors le statut de ce nouveau texte, objet hybride, qui se donne peut-être autant à voir qu’à entendre ?
Enfin, la figure d’Antonin Artaud n’a cessé de ressurgir, dans les textes, propos et spectacles d’artistes aussi différents que Romeo Castellucci, Pippo Delbono, Angélica Liddell ou encore Vincent Macaigne. Alors qu’Artaud peut affirmer que le théâtre ne pourra trouver son propre langage qu’en observant ce qui se joue dans la peinture [4], ces artistes contemporains offrent justement des exemples de ce nouveau langage théâtral à la rencontre du texte et des arts plastiques, et nous permettent d’interroger les modalités de cette rencontre.

Ces trois constats nous amènent à poser l’hypothèse selon laquelle s’invente, à travers ces spectacles, un nouveau régime d’énonciation en même temps que de visibilité, qui permettrait à l’élément textuel et à l’élément plastique, plutôt que de tenter en vain de se compléter, de véritablement fusionner, dans une forme de perméabilité considérée jusqu’à présent comme utopique, et dont la scène ouverte à un geste plastique permettrait de faire l’expérience.

Programme en ligne fin 2022

Notes

[1Journée d’étude THALIM/SACRe organisée le 6 janvier 2022 à l’INHA.

[2Cf. Kenza Jernite, « Peinture et écritures scéniques contemporaines : la peinture-matière chez Jan Fabre, Romeo Castellucci et Vincent Macaigne », Agôn [En ligne], 8 | 2019, mis en ligne le 09 décembre 2019. URL : http://journals.openedition.org/agon/6332.

[3Kuhn, Tom. “Brecht Reads Bruegel : ‘Verfremdung’, Gestic Realism and the Second Phase of Brechtian Theory.” Monatshefte 105, no. 1 (2013) : 101–22. http://www.jstor.org/stable/24549600.

[4Cf. par exemple ce qu’il écrit dans « La mise en scène et la métaphysique », à propos du tableau Les Filles de Loth : « Il semble que le peintre ait eu connaissance de certains secrets concernant l’harmonie linéaire et des moyens de la faire agir directement sur le cerveau, comme un réactif physique. [...] Je dis en tout cas que cette peinture est ce que le théâtre devrait être, s’il savait parler le langage qui lui appartient. » in Le Théâtre et son double, Paris, Gallimard (Folio essais), 2014, p. 54.

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